La cuisine de l’âme de Zizi Hattab

L’avenir de la gastronomie, c’est le sourire bienveillant et déterminé de Zineb «Zizi» Hattab. Il y a dix ans, elle a quitté un emploi sûr d’ingénieure en informatique au Liechtenstein pour vivre pleinement sa passion: la cuisine. Formée par quelques-uns des plus grands chefs du monde, elle a aujourd’hui acquis la reconnaissance des clients de ses deux restaurants zurichois, le Kle et le Dar, qui affirment sentir tout l’amour qu’elle met dans ses délicieux plats végétaliens.

Bonjour Zizi, qu’y a-t-il au menu aujourd’hui?

Chaque jour, nous proposons des légumes de saison. En ce moment, nous avons des betteraves, des carottes, des pommes de terre et du chou. Tous les légumes qui supportent l’hiver en Suisse. Ça stimule la créativité!

Comment avez-vous décidé de n’utiliser que des produits régionaux?

Nous pourrions importer toutes sortes de produits venus des quatre coins de la planète: fruits de la passion, ananas, etc. Mais ce n’est pas notre choix. J’aime vraiment savoir qui cultive nos produits. Nous connaissons certains de nos fournisseurs depuis longtemps, d’autres nous sont recommandés par des personnes de confiance, d’autres encore viennent d’eux-mêmes nous présenter leurs produits. Il y a aussi Alessandro, mon sous-chef, qui adore faire des grandes balades à vélo: parfois, il passe devant une ferme, s’arrête pour aller jeter un coup d’œil et repart avec un nouveau contact.

Avec vos partenaires, vous avez ouvert le Kle en janvier 2020, juste avant le début de la pandémie en Europe. Ce contexte vous a-t-il compliqué la tâche?

Quand on fait un business plan, on ne s’attend pas à devoir faire face à une pandémie. Donc oui, ça a été un choc, mais cela nous a aussi permis de comprendre ce que nous voulions vraiment. Heureusement, en Suisse, nous avons bénéficié d’un important soutien financier et nous en avons profité pour retravailler notre menu en fonction des réactions des clients durant les premiers mois d’ouverture. Nous avons retrouvé une certaine stabilité, mais il va falloir encore un peu de patience avant un vrai retour à la normale.

Est-ce difficile d’être à la tête d’un restaurant végan?

En termes de réaction chimique, les produits animaux comme le sashimi ou le steak procurent une satisfaction qu’il est difficile d’obtenir avec des produits d’origine végétale seuls. Cela demande donc un peu plus de travail. Nous avons eu de la chance, car, depuis l’ouverture, les gens qui passent la porte de notre restaurant s’intéressent à ce que nous faisons et sont surpris de trouver au menu non pas le sempiternel avocado toast, mais des plats dont ils ne savaient même pas qu’ils étaient végans. C’est un peu comme partager notre philosophie avec eux.

Née à Barcelone de parents marocains, Zineb «Zizi» Hattab a grandi en Espagne. Elle a travaillé avec Andreas Caminada à Fürstenau, Massimo Bottura à Modène, les frères Roca à Gérone, Josean Alija à Bilbao et Daniela Soto-Innes à New York. Elle possède et gère deux restaurants à Zurich: le Kle, ancien restaurant de quartier qu’elle a ouvert en 2020, et le Dar, un restaurant marocain qu’elle a repris en 2021. C’est aussi en 2021 qu’elle a obtenu 15 points au Gault & Millau.

Pensez-vous que tout le monde va devenir végan dans un avenir proche?

Chaque dépense que l’on fait, chaque chose que l’on achète a un certain impact. Alors si cet impact peut ne pas être trop négatif sur notre environnement, c’est encore mieux. Je ne pense pas que nous allons tous devenir végans, mais je crois que la norme va être de moins manger de viande ou d’en acheter à la ferme d’à côté plutôt qu’au supermarché.

Vous êtes née à Barcelone de parents marocains et vous vivez aujourd’hui à Zurich. Quel rôle ces différentes influences culturelles jouent-elles dans votre travail de cheffe? 

Tous ces endroits font mon identité. Mes racines sont marocaines. J’ai grandi en Espagne. L’Italie m’a beaucoup influencée. New York a radicalement changé ma façon de voir les choses. Ma cuisine reflète mon parcours, je sélectionne le meilleur de chaque expérience. Je n’aime pas me mettre des étiquettes, je n’aime pas me limiter. Je mélange toutes ces influences et je change tout le temps.

Comment jonglez-vous entre votre travail et votre vie de famille? 

J’ai été élevée dans une famille traditionnelle où on attendait de moi que je me marie tôt et que j’aie des enfants. J’ai choisi de rompre avec cette tradition et de faire ce qui me tient à cœur, et j’ai la chance d’avoir un conjoint qui me soutient. Je pense que tout le monde devrait avoir la possibilité de faire ce qu’il ou elle a envie. Malheureusement, beaucoup de gens de ma génération n’ont pas été élevés comme cela, on leur a appris à se conformer aux attentes des autres. J’espère que les prochaines générations pourront rompre avec ces usages.

Citez une chose que vous avez apprise de chacun des chefs avec lesquels vousavez travaillé.

De Massimo Bottura, l’importance de l’art et de s’imprégner d’autres domaines. D’Andreas Caminada, la précision et le fait de ne jamais se satisfaire de l’existant. De Daniela Soto-Innes, l’importance de prendre soin de soi. En donnant tout le temps, on finit par s’épuiser. J’aime tellement mon métier que je ne le considère pas comme un travail, mais je me force à lire ou à faire du sport trois ou quatre fois par semaine. Et je dis à mon équipe de faire pareil. Mon second fait du triathlon, mais nous avons aussi un skieur professionnel et beaucoup d’autres sportifs dans l’équipe. C’est un moyen pour nous tous d’être plus heureux et de rester mentalement présents.

Quel est le moment que vous préférez dans votre journée de cheffe?

C’est quand je m’arrête un instant et que je vois mon équipe se débrouiller parfaitement sans moi.

Vous avez été ingénieure en informatique. Y a-t-il quelque chose du mode de fonctionnement des ordinateurs que vous appliquez dans votre travail quotidien en cuisine?

L’aspect opérationnel est très différent: en tant qu’ingénieure en logiciels, vous passez votre journée assise devant un ordinateur, sur des projets qui peuvent durer une année. En cuisine, on est tout le temps debout à cuisiner et les plats sont faits pour être dégustés immédiatement. Par contre, l’approche est la même. Quand un logiciel ne fonctionne pas, c’est qu’il faut changer quelque chose. Avec les recettes, c’est pareil. Tout est une question de problèmes à résoudre.

V-ZUG est votre partenaire technologique en cuisine. Quels appareils utilisez-vous et comment vous facilitent-ils la tâche?

J’ai deux fours V-ZUG au Kle: un Combi-Steam XSL et un Combair SLP. C’est pratique d’avoir les deux, car, en fonction du menu, nous pouvons avoir besoin d’un four en mode vapeur et d’un autre en mode chaleur sèche. Cette combinaison fonctionne très bien pour la pâtisserie également. Ils sont super et ne prennent pas beaucoup de place, ce qui est une bonne chose, car notre cuisine est très petite.

Pensez-vous que les cuisines ont changé par rapport à ce qu’Anthony Bourdain décrivait dans Cuisine et confidences, son livre publié en l’an 2000?

Dans les restaurants, la plupart des chefs sont toujours des «mâles alpha» qui s’entourent d’autres mâles alpha. C’est un monde très blanc, dominé par les hommes, mais je pense que la mentalité globale est en train de changer: les nouvelles générations sont moins tolérantes à l’égard des mauvais comportements et plus soucieuses du ressenti des uns et des autres. J’ai aussi des hommes dans mes équipes, mais ils sont tous très à l’écoute de leur intelligence émotionnelle. Nous nous soutenons mutuellement. Quand tout le monde s’entraide, c’est toute l’équipe qui s’améliore.

Cette attitude se reflète-t-elle également dans les plats que vous servez?

Nos clients disent toujours qu’ils peuvent sentir l’amour dans nos plats. J’en suis convaincue. Notre objectif premier, c’est le goût, pas les tendances, et je pense que nos clients le ressentent. Ça les touche.

Zizi sait agrémenter ses recettes d’un brin de charme supplémentaire. Des aromates aux fleurs locales en passant par les graines exotiques, découvrez les épices qu’elle préfère pour émerveiller ses convives.

CUMIN Entières ou moulues, ces graines apportent des notes terreuses et aromatiques. Zizi fait mariner ses légumes avec du cumin avant de les faire griller. C’est une épice qui lui rappelle ses origines, car elle donne une touche marocaine à ses plats. MENTHE Merveilleuse à tous les égards, ses feuilles ont une saveur fraîche et aromatique et laissent en bouche une agréable sensation rafraîchissante. Zizi l’utilise dans ses plats sucrés et salés, ses boissons chaudes et ses cocktails, et adore mettre une bonne poignée de menthe fraîche dans son thé, à la manière des Touaregs. CARDAMOME Puissante et résineuse, cette épice possède une saveur sans pareille. Zizi l’a découverte chez un camarade de lycée indien et a tout de suite été séduite. Aujourd’hui, elle l’utilise en pâtisserie et dans ses glaces. ESTRAGON L’estragon est l’un des quatre aromates de la cuisine française. Il apporte une saveur caractéristique surprenante à tous les plats. Zizi recommande de l’utiliser avec parcimonie. Elle le préfère frais dans les salades ou mixé dans une vinaigrette. CURCUMA Savoureux, coloré, très nutritif et offrant des bienfaits reconnus pour la santé, le curcuma a un léger goût de moutarde et ajoute une pointe d’amertume. Zizi l’utilise dans les soupes, les tajines, les flans, les plats à base de riz et les marinades sèches. BLEUET Fleur sauvage originaire d’Europe, ses pétales crus ou séchés peuvent décorer les salades, boissons ou desserts. Zizi l’apprécie à la fois pour sa belle couleur et sa saveur florale subtile.

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